Dans une autre vie, j’avais une amie prénommée Marilou.
Il m’arrive parfois de penser à elle, comme aujourd’hui…
Le pays des autres
La petite fille tenait serré son chat contre elle. Son regard profond et malicieux en disait long lorsqu’elle aperçut Marilou.
Que faisait-elle là, toute seule, à l’orée de la forêt ? Pourquoi la dévisageait-elle ainsi ? Avait-elle peur qu’on lui vole son chat ?
Marilou s’apprêtait à lui offrir une aide, une écoute, quand la petite fille la questionna tout de go :
– où vas-tu ?
– je ne sais pas
– il y a quatre chemins par ici
– oui, je vois, à ton avis, lequel dois-je prendre ?
– c’est toi qui choisis
– et toi, que fais-tu ici toute seule ?
– je t’attendais
– pourquoi ?
– parce-que c’est toi qui es perdue…
Une si petite fille qui, d’une phrase, avait tout résumé. Marilou se sentait violée dans son âme, nue devant l’évidence. Si elle-même ignorait quel était le bon chemin à prendre, comment cette enfant le saurait-elle ?
Elle était si petite, elle paraissait si fragile malgré son franc sourire.
– si tu prends ce chemin-ci, tu retournes au pays des loups. Je te préviens, les arbres y sont tortueux et les loups ne sont plus que statues de pierre. Il n’y a plus âme qui vive là-bas. A toi de voir…
Marilou n’ignorait pas que le pays des loups, tel qu’elle l’avait connu, s’était métamorphosé en un désert hostile, de pierres, de ronces et d’arbres morts. Les loups, à force de hurler, s’étaient figés, gorge déployée et crocs saillants.
– si tu prends celui-là, tu vas vers le pays de Nan. Tu sais, ce pays où toutes les histoires finissent bien, où les larmes ne coulent jamais. Mais il n’existe que dans ton imaginaire…c’est toi qui l’a inventé et on ne vit pas de chimère.
La petite fille avait raison. Le premier chemin menait vers un enfer, le second vers une illusion. Marilou cueillit un brin d’herbe et en chatouilla le nez du chat qui lui rappelait Charlie, réfléchit quelques instants et d’une voix à peine audible, demanda :
– et ce chemin baigné de lumière, juste derrière toi…où mène-t-il donc ?
– vers le pays des anges…
– ce doit être magnifique, n’est-ce-pas ?
– oui, c’est le plus merveilleux des pays, mais celui-là tu ne peux le choisir, il te faut y être invitée…Je connais tes pensées, Marilou ; chasse-les ! Rien ni personne ne vaut que l’on transgresse la Loi.
Elle avait honte soudain, d’avoir osé penser que sa vie valait moins que rien. La haine et le mensonge, puis la négation même de sa propre existence, l’avaient à ce point meurtrie qu’elle en déraisonnait parfois. Mais elle se ressaisit :
– dis-moi, petite fille, tu ne me donnes pas vraiment le choix…Il ne reste qu’un seul chemin, celui-là, sur ma droite. Qu’en penses-tu ?
– je n’en pense que du bien ; ce chemin te mènera vers les autres…
– les autres…qui ?
– Ceux que tu ne vois plus depuis si longtemps, ceux vers qui tu pourrais tendre la main, offrir un sourire…ou autre chose. Au pays des autres, les gens te parlent et t’écoutent. Ils t’ouvrent leur coeur et leur porte, sans calcul, simplement parce-que tu es toi. Ils ne possèdent peut-être pas la Connaissance mais leur coeur est pur et sans détour. Dans ce pays les arbres sont droits et généreux…
Etait-ce une petite fille ou une voix intérieure qui venait de lui tenir ce beau discours ? Marilou hésitait.
Elle pensa à tout ce qu’elle avait sacrifié, pour rien. Elle pensa tristement au chat Charlie. Elle pensa à tous ces visages masqués qui l’entouraient…Alors elle se dit qu’il était temps de prendre le bon chemin, vers le pays des autres.
La petite fille se leva, lui déposa un baiser sur la joue et partit en tenant son chat serré contre elle.
M.D. 2011
Tu as bien fait d’emprunter cette route vers les autres puisqu’elle nous a permis de nous trouver, moi et quelques autres qui te lises toujours avec un grand plaisir. Bises Dan
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Fidèle parmi les fidèles, merci d’être toujours là, Dan. Bises.
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C’est très beau, merci Louv’!
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un bien beau conte empreint de sagesse, tu es une conteuse hors pair, Louv
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Quatre routes, quatre possibilités. Mais celles qu’on rêvera toujours seront la cinquième et… les suivantes. Bises à Marilou…
Jonas
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Eternelle insatisfaction ? Et puis, choisissons-nous vraiment ?
Marilou te fait la bise.
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Qu’il est bon d’entendre la voix de cette enfance à quatre voies. Le seul chemin, celui de l’amour, il n’y a qu’une vie pour celui ci. un bel écrit, bonjour Louv’.
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Et comme tu as raison pour le seul chemin à suivre !
Toujours ravie de te rencontrer par ici, bonjour Nathanaël.
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Tres bel écrit!!Marilou,un prénom plein de nostalgie pour mon amie et moi!!Bises..
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Un prénom qui rappelle bien des souvenirs pour beaucoup d’entre nous, je crois.
Merci JP, bises.
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Je suis passée par ici, j’ai lu, j’ai aimé.
Le côté moraliste me plait moins, peut-être est-ce un chemin d’illusion également.
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A moi non plus le côté moraliste ne plaît pas beaucoup. Mais…est-ce bien important ? Tout n’est qu’illusion…
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Un joli récit plein de sagesse. Nous devrions rencontrer plus souvent l’enfant qui sommeille en nous. J’aime beaucoup !
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Cet enfant est partout où nous nous trouvons, mais il se cache tellement bien 🙂
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Tu as raison, nous n’avons pas le choix, le chemin qui mène vers nous-même est toujours le chemin qui va vers les autres. Et l’enfant qui nous accompagne tout au long de notre vie nous dirige toujours très sûrement.
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…Mais il est difficile d’écouter ces petites voix intérieures, quelquefois.
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