Le livre resté ouvert sur la grève, attendait.
Opalie contempla son oeuvre inachevée, un radeau fabriqué de milliers de pages couvertes d’hiéroglyphes disséqués, incompréhensibles. Elle avait soigneusement ligoté d’algues cette embarcation fragile et l’avait enduite de cire afin qu’elle ne coule pas trop vite.
Un seul maillon manquait à l’ouvrage, le plus précieux, celui qu’elle hésitait même à toucher du bout des doigts. Un livre né un matin nouveau, qui sentait bon les embruns et regorgeait de tendresse, dont les notes chantaient encore au gré du vent.
Les dernières pages du livre, vierges, s’épuisaient. Naufragées oubliées, plus aucune plume ne les faisait crisser d’allégresse.
Le radeau était presque prêt. Il ne songeait qu’à voguer sur les crêtes des vagues, à disparaître au creux d’une houle, à ressurgir puis sombrer encore.
Jusqu’à ce que l’ivresse libératrice l’emporte loin, au-delà de l’infini.
Seul ce dernier livre retardait son départ, l’unique, capable de l’équilibrer assez longtemps pour son lointain périple.
Opalie entendait les appels impatients du radeau, son désir fou de fuir dans l’oubli. Mais elle hésitait encore et chercha un mot qui aurait pu tout changer. Elle ne le trouva point.
Alors, délicatement, elle referma le livre resté sur la grève, le prit dans ses bras, y déposa un baiser. Puis l’attacha fermement à la proue, tel un oiseau blanc aux ailes dépliées.
La marée haute grondait, prédatrice avide de déchirer ses proies. Les pieds nus dans le sable mouillé, Opalie poussa l’embarcation de toutes ses forces vers le large.
Le poids des pages écrites lui faisait mal aux muscles. Le gémissement du vent contraire, lui faisait mal à l’âme. Elle eût bientôt de l’eau jusqu’à la taille quand soudain le radeau glissa seul et se mit à tanguer.
Dans un dernier effort, Opalie se hissa sur l’amas de papier ciré, entoura la proue de ses bras et se laissa porter…
Voilà un radeau bien beau, de mots sur les flots, d’un baiser à la marée, emporté, brinquebalé et sauvé parce qu’inachevé ! Cette histoire me plait beaucoup sans doute parce que nous avons tous en nous un tel radeau. Merci Louv’.
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Et voguons, voguons…puisque c’est la seule chose à faire.
Merci Nathanaël.
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un grand souffle d’onirisme romanesque traverse tes récits, c’est toujours un voyage que te lire
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Merci Emma. J’ai du mal à rester les pieds sur terre, il faut dire..
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Voilà une embarcation qui me va. Malgré la précarité du matériau je sens qu’elle peut affronter les marées de cette vie.
Opalie couvre son chef
D’une visière d’or
Car l’horizon lui promet
Une lumière unique
Opale
Jonas
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Tu leur prêtes bien de la résistance à cette embarcation et sa passagère ! Qu’Eole t’entende, mon cher Jonas 🙂
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un beau rêve. de quoi donner envie d’aller sur l’eau.
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Un bien beau radeau!
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En revanche, une petite question : Le blog « L’oeuvre Défunte » semble fermé, alors que les premiers billets étaient bien. Vous connaissez l’auteur du blog ? Il a laissé tomber ?
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Non je crois qu’il a recopié ses textes de « l’oeuvre défunte » sur http://jonas-doinint.com
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Chère Opalie
Le radeau souvent fait suite à un naufrage . Naufrage des sentiments parfois! Seuls les livres de poésie peuvent retarder le passage sur l’autre rive ou bien faire que le radeau ainsi appareillé, accoste enfin , aux plus beaux des rivages.
Alain
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Merci cher Alain pour ces mots emplis de sérénité….
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Dominant l’océan du haut de sa tour en livres…..je te souhaite un tres bon dimanche!Bises,Jean-Pierre
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Dominant ma petite taille, je te souhaite également un bon dimanche Jean-Pierre 🙂
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Elle aurait ramer sur un océan de livres, déclamant du Chateaubriand.
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Chateaubriand, pourquoi pas ? Quoique Baudelaire lui conviendrait mieux je crois 🙂
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Chateaubriand est la quintessence du romantisme échevelé avec de grandes « poses » face aux tempêtes.
« « Levez-vous vite, orages désirés qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie ! » Ainsi disant, je marchais à grands pas, le visage enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie, ni frimas, enchanté, tourmenté, et comme possédé par le démon de mon cœur. »
Baudelaire serait bien aussi, mais en plus sombre. Il fut très déprimé toute sa vie (on disait mélancolie, spleen).
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Merci pour ce superbe texte, Burntoast ! Finalement, les deux poètes me plaisent…
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Un livre inachevé à la proue d’un bateau … des idées vivantes et des émotions en suspend qui ne mettrons jamais un point final à la créativité humaine. Bises Dan
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Pas de créativité sans émotion, en tous cas pour moi 🙂
Merci Dan.
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Opalie aura tout le temps de compléter les dernières pages quand elle arrivera à bon port. Oui, où que l’on aille on emporte avec soi sa vie quand bien même elle n’est pas chef d’oeuvre…
J’aime beaucoup le nouveau look du blog.
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Le bon port est celui auquel le coeur s’attache, même si le voyage continue…
Merci pour le « look » du blog 🙂
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