Léa entr’ouvre ses lèvres et d’un geste assuré, colorie de carmin la courbe pulpeuse et accentue le creux de l’ange. Puis elle applique un baiser sur la surface lisse et froide du miroir, laisse une légère trace du superflu. Ce soir est le grand soir. Rien ne saurait être laissé au hasard.
Elle resserre un peu les deux peignes de nacre qui relèvent ses lourdes mèches d’ébène et appose quelques gouttes de Soir de Paris sur sa nuque nue. La voix de Sarah Vaughan s’étiole un peu, il faudra penser à remplacer le diamant du tourne-disques.
Etendues sur le couvre-lit satin, la robe noire et la robe rouge attendent sa décision finale. Mais Léa hésite encore. Laquelle préférera-t-il ? La sobriété indécente de la noire ou la légèreté vaporeuse de la rouge ? Tour à tour, elle les fait glisser le long de son corps et scrute son image. Ils danseraient, ce soir. Et déjà, elle imagine ses mains posées au creux de ses reins.
Sans avoir encore décidé, elle les repose toutes les deux et retire de la pochette cellophane, la paire neuve de bas nylon. Lentement elle déroule un bas sur sa jambe tendue, prenant soin d’en bien centrer la couture sur le mollet. Un instant elle s’en veut de ne pas avoir prévu une paire de rechange, au cas où.
Léa ignore l’endroit où il la conduirait ce soir. Mais qu’importe puisqu’elle ne verrait rien d’autre que lui…
Il est passé minuit, il ne tardera plus. Quand soudain retentit la sonnerie stridente du téléphone. Léa sursaute et l’un de ses ongles accroche son bas. Il ne viendra pas ce soir. Un empêchement, un imprévu, il est désolé. Mais ce sera pour une autre fois…
Comme toutes les fois, Léa ôte son maquillage, ses peignes de nacre et s’enfouit le visage sous la masse lourde de ses cheveux d’ébène.
Au pied du lit, un bas a filé, comme filent les rêves.
Planète Opalie 
Chacun semble avoir sa « Léa »…
Belle écriture, limpide, incisive et si féminine…
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Ravie de vous croiser ici. Oui, « Léa » peut avoir de multiples visages, que nous nous approprions au gré de notre plume. C’est un prénom que j’affectionne…:)
Merci, Dan.
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Bonjour Louv’
un tit coucou chez toi;quel plaisir de te lire à nouveau
Bisous tout plein
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Bisous tout plein, Célie !
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Les discours cyniques et la promotion d’une sexualité aseptisée et hygiéniste n’empêchent pas les coeurs de se briser pour mieux se renforcer ensuite sans abandonner sa capacité d’aimer, dans les années 50 comme aujourd’hui. Bisous
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Sarah Vaughan te va si bien Louve! Le même plaisir à te lire qu’à l’écouter, ton style ressemble à sa voix, sensuelle et profonde, envoûtante
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Tu me fais rougir :)…Merci Cardamone, ton appréciation me fait très plaisir.
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Bonjour Louv’ !
Un petit voyage dans le temps, tu sais y mettre l’ambiance… Mais c’est si désespérant, pauvre Léa. Époques différentes, certes, mais peu de choses ont changé quant aux peines de cœur.
Bises, bonne journée
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Pour plein de raisons, j’aurais aimé avoir vingt ans dans les années 50. Quant au reste…c’est intemporel. Bonne journée Naïs.
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Très joli, ce bas filé comme un rêve déchiré. Merci aussi pour l’accompagnement musical.
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Les écrits du coeur partent souvent d’une chanson ….
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d’ordinaire les excuses bidon sont réservées aux légitimes, là c’est mauvais signe, on a envie de lui dire, à Léa : secoue toi, cours, crée … comme si on ne savait pas que seul le temps efface sur le sable etc etc…
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….les pas des amants désunis. Une histoire très ordinaire, en quelque sorte.
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Cela me fait penser à un tableau triste du XIXème siècle, où on voit une belle dame qui attend dans la campagne, à coté de son cheval, avec son chien couché à ses pieds. Et nous, nous savons qu’ « il » ne viendra pas.
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Je ne connais pas ce tableau mais en effet, la scène aurait pu se dérouler ainsi. Seul le jazz aurait manqué…:)
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Très touchant ce désir tué dans l’œuf, qui laissera sa trace et qui viendra grossir la somme de déceptions que nous accumulons tous avant de pouvoir un jour se lâcher enfin et s’accorder enfin la réalisation de ses rêves. Bises Dan
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La roue tourne, Dan. Les désirs et les rêves avortés ne font que passer, juste comme nous !
Bises.
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Une attente, un espoir et ensuite une déception bien rendus. Cette belle femme sensuelle mérite mieux que d’attendre cet improbable amoureux. J’espère que tu continueras à lui donner vie…
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Les personnages vont et viennent. Les temps changent, mais l’histoire est toujours la même. C’est une histoire sans fin…
Merci Mony.
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Elle est touchante cette évocation de la déception, de l’acceptation de la chose non consommée ou fraternisent regrets et lassitude. « Un bas filé comme filent les rêves ». Beaucoup de sensualité dynamique dans ton texte, écrit pour servir un court métrage. Bravo. Bises.
Jonas
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L’attente déçue, un thème intemporel que j’ai imaginé comme la scène d’un vieux film.
Merci Jonas, bises 🙂
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Une époque, une ambiance très bien dépeintes.
On ne se pose pas autant de questions aujourd’hui, on sort, accompagnées ou pas !
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En se posant moins de questions, peut-être se prive-t-on d’émotion ? Merci de ton passage, Carmen.
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tes écrits sont tellement vivants!!!Bises et bon dimanche,Jean-Pierre
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Ravie qu’ils te plaisent toujours. Bon dimanche Jean-Pierre !
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J’adore l’ambiance, Sarah Vaughan en prime, on s’y croirait..
Et puis même si les bas à coutures ne sont plus à la mode, rien n’a changé, les préparatifs, les espoirs et les collants qui filent comme les rêves.
Merci Louv’ pour ce voyage dans le temps et l’ambiance envoûtante si bien évoquée de ces années là.
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L’idée est partie de ce standard du jazz chanté par Sarah Vaughan. Les images ont suivi, naturellement…
Merci Almanitoo.
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