Bob et Jimmy

USA MAI 2012 N° 2 038
Sausalito côté hippy

Après la seconde guerre mondiale, à Sausalito (banlieue nord de San-Francisco), croupissent des chantiers navals et des épaves de bateaux abandonnés. Tout est gratuit, à disposition. En quête d’un nouveau monde où tout serait à réinventer, on se sert, on récupère les bateaux et on les transforme en « house-boats ». Le résultat est original et ingénieux et personne n’y trouve à redire.

A la fin des années 60, en pleine guerre du Vietnam, apparaît le mouvement hippy. Les enfants-fleurs envahissent San Francisco et beaucoup s’installent dans les house-boats de Sausalito. Ils y créent un mode de vie communautaire, véritable contre-culture de la société américaine. Leur idéologie : non-violence, refus du conformisme, liberté sexuelle, partage et écologie. Leur credo « faites l’amour, pas la guerre » sur fond de musique psychédélique et de drogues.  Ils vivent principalement d’artisanat…mais souvent grâce au soutien de leurs parents fortunés.

Le rêve perdure quelques années, puis s’étiole peu à peu ; les temps changent, les mentalités aussi…La plupart quitte « Sausalito paradise » et retourne à la réalité d’une vie de labeur, d’individualisme et de sur-consommation.

De cette époque subsistent quelques vestiges étonnants qui attirent la curiosité de nombreux touristes. Baraques colorées et fleuries, pontons de bois vermoulu, installations électriques hors normes (la norme étant une injure pour les habitants de ce joyeux foutoir). Au cours d’une promenade, il n’est pas rare de croiser quelque vieil  irréductible,  toujours pas résigné, qui défend jalousement son « floating home » à grand renfort de panneaux « private » . 

Les derniers utopistes sont cependant menacés par les promoteurs qui ont commencé à exécuter leur plan : construire des quais en dur et  des maisons flottantes de luxe.
L’endroit étant très prisé par les « bobos » et autres « golden boys », la gentrification s’est mise en marche. Les house-boats se négocient désormais entre 300 000 et 1 million de dollars.

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Sausalito côté chic

« Bob attendait assis sur une caisse en bois, devant son « floating-home ».  Il semblait avoir maigri un peu et son visage tanné comptait quelques plis supplémentaires. Ses cheveux longs avaient blanchi encore sous le bandana à l’effigie du drapeau étoilé. Il caressait un chaton sur ses genoux. A la vue de ses visiteurs d’outre-Atlantique, il stoppa son geste et baissa ses petites lunettes rondes. Marilou fit les présentations…

Biquet, aux anges, avait déjà brandi son attirail photographique, mais Bob l’arrêta : « S’il-te-plaît, je déteste ça ». Il invita les deux amis à entrer dans son antre. Le confort était spartiate, mais les coussins à même le sol, les tapis indiens et l’odeur d’encens qui flottait, donnaient à l’endroit une atmosphère sereine. Marilou s’y sentait bien.

Après avoir servi du thé à la bergamote, Bob s’installa à terre devant ses invités et commença à gratter nonchalamment les cordes de sa veille guitare « Guild ». Puis il s’adressa à Marilou : »Ainsi, tu es revenue…toujours à la recherche de Jimmy, je suppose… »

Le dernier chapitre aurait pu commencer ainsi. Dans l’avion de retour vers l’Europe, Marilou reposa son cahier et son stylo et décida de regarder le film « Avatar ». Elle n’était pas retournée à Sausalito, et Bob n’existait que dans son imagination. Elle avait fuit au bout du monde, comme d’autres fuient à l’intérieur d’eux-mêmes, à la recherche d’une vérité qui ne lui serait jamais dévoilée. La seule certitude que Bob aurait pu lui confirmer était que Jimmy n’avait jamais aimé que lui-même. Et elle se concentra sur « Avatar ».

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14 réflexions sur “Bob et Jimmy

  1. Jonas D. 6 juillet 2015 / 12:28

    Marilou chevauchant les dragon d’Avatar… Ceci dit Marilou, comme avatar se pose là aussi… Quand San Francisco s’allume, Psylvia, attendez-moi… Jonas

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  2. Erin (Carmen P.) 4 juillet 2015 / 23:48

    Je prendrais bien un peu de thé à la bergamote… si Bob accepte que je me joigne à ses invités !

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    • M.D. (louv') 5 juillet 2015 / 07:29

      J’en reprendrais bien un peu aussi. Mais il me faudrait repartir au-delà du réel…

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  3. emma 18 juin 2015 / 23:53

    pas original de le redire, mais je suis toujours admirative de la façon dont tu fais vivre pour nous l’imprégnation que tu as de cette culture –

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  4. almanito 17 juin 2015 / 11:18

    Entre rêve et réalité, mais peut-il en être autrement à Sausalito?
    L’esprit vagabond de Marilou s’y perd et laisse une large place aux rêves de chaque lecteur. Quel beau texte!

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    • M.D. (louv') 17 juin 2015 / 12:00

      Eternellement paumée, la Marilou. Mais, si cela en fait rêver quelques-uns, c’est déjà ça ! Contente que ça t’ai plu, merci Alma.

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  5. Laret Jean-Pierre 17 juin 2015 / 10:05

    « Sausalito, is the place to go »…., chanson écrite début des années 70 par Graham Gouldman (futur Ten CC) et enregistrée par l’éphémère groupe bubblegum Ohio Express…..Bises et bonne journée, Jean-Pierre

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    • M.D. (louv') 17 juin 2015 / 12:02

      Merci pour la référence à cette chanson qui est tout à fait adaptée. Bonne journée Jean-Pierre, bizz

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  6. Mony 17 juin 2015 / 09:55

    Marilou deviendrait-elle sage ? (trop sage)
    J’espère qu’elle garde en elle cette partie de rêve et d’utopie, cette quête impossible…
    Merci pour ce voyage, Louve.

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    • M.D. (louv') 17 juin 2015 / 12:03

      Sage, dis-tu ? Je ne crois pas. Elle te réserve encore quelques surprises 😉
      A bientôt donc, Mony.

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    • gerard planchez 18 juin 2015 / 22:26

      marilou ne sera jamais sage

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